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CINESTRANGER

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LE SCANDALE BERNARD BLIER

Publié par cinestranger sur 8 Juin 2016, 06:44am

Catégories : #ANECDOTE

 

1939-  LE SCANDALE BERNARD BLIER pour le concours de sortie du Conservatoire va déchaîner une véritable tempête qui éclabousse le digne aréopage du Conservatoire national de déclamation.

Avec le mois de juillet, la période des concours de sortie est revenue rue de Madrid. Bien qu'ils aient déjà acquis, à la scène comme à l'écran, une notoriété incontestable, François Périer et Bernard Blier nourrissent le désir légitime de voir leurs jeunes talents consacrés d'un sceau officiel, ce qui explique leur présence à l'examen. Ils ont d'ailleurs bien failli en être exclus. Sur la suggestion du secrétaire général, M. Chantavoine, , certains membres du jury penchent pour leur élimination d'office, sous le prétexte qu'ils sont déjà des professionnels à part entière.
Bernard Blier est finalement présent à ces épreuves grâce    à Louis Jouvet qui n'a pas hésité à menacer le jury de sa démission si son élève n'était pas admis à concourir.
Dans la vieille salle, ce jour-là, l'atmosphère est chargée d'électricité, non seulement du côté des candidats, mais aussi dans les rangs du public. Deux absences remarquées : celle du solennel M. Rabaud, dont les jours à la tête de l'établissement sont comptés, et celle de M. Chantavoine. Le secrétaire général redoutait-il de recueillir les « fruits » de la politique qu'il avait menée depuis quelques années?

En revanche, on remarque la présence attentive d'Edouard Bourdet. L'illustre auteur et administrateur de la Comédie-Française est venu en quelque sorte « faire son marché », puisque tout à l'heure certains des heureux élus du concours auront gagné le droit d'entrer dans la Maison de Molière. Soudain, l'attention du public se cristallise sur une silhouette dégingandée, aux gestes mécaniques ; c'est Louis Jouvet qui s'installe silencieusement dans une loge et promène sur l'assistance son fameux regard ironique. L'atmosphère devient de plus en plus oppressante, les parents des postulants - qui constituent la majorité du public - y contribuent largement. Chaque mère, chaque père de candidat se sent en effet directement concerné et s'apprête déjà à crier à l'injustice, si son rejeton n'obtient pas le premier prix. Or, comme on ne peut pas décerner un premier prix à tout le monde, on imagine le volume des récriminations qui accompagnent la proclamation du verdict. Mais cette année, en matière de chahut, les observateurs vont être gâtés, car voici Bernard qui entre en scène. A-t-il le trac? Sans aucun doute, puisqu'il l'aura toute sa vie. Mais chez un comédien de naissance, le trac ne diminue en rien les moyens d'expression. Bernard va le démontrer dans le personnage de Sganarelle, du Cocu imaginaire de Molière, qu'il incarne à sa sortie du Conservatoire, comme il l'a fait lorsqu'il s'y est présenté. Pour sa seconde scène, il a choisi un extrait d'une pièce peu connue de Dumas, Diane de Lys.
Dès ses premiers mots, les rires fusent et gagnent en amplitude à mesure que la scène se poursuit. Pour l'assistance, aucun doute possible : c'est un « premier prix » qui vient de concourir. D'ailleurs, c'est sous un tonnerre d'applaudissements que Bernard quitte le plateau. Lui aussi, à cet instant, est persuadé qu'il a gagné. De leur côté, François Périer, dans le personnage de Mosca, de Volpone, et Jean Parédès, dans celui de Mascarille, des Précieuses ridicules, ont également réussi un excellent parcours. Nous verrons bientôt ce qui en résultera. En attendant, voici M. Henri Rabaud qui fait son entrée. On le croyait en retard, il explique qu'il avait tenu à ne pas impressionner les candidats par une présence trop voyante. Il est arrivé à temps pour le rite sacro-saint de la lecture du palmarès. Le pauvre homme ne se doute pas encore de la tempête qu'il va devoir essuyer.
En effet, à peine a-t-il annoncé qu'aucun premier prix n'a été décerné - ce qui veut dire qu'aucun des candidats n'en a été jugé digne - que des cris s'élèvent dans la salle. Ils redoublent lorsque le directeur apprend à l'assistance que Parédès n'a qu'un second prix et François Périer un premier accessit. De même, Gérard Oury n'obtient lui aussi qu'un premier accessit. Mais quand le maître des lieux achève la lecture du palmarès sans avoir prononcé le nom de Bernard Blier, les « Hou ! Hou ! » du début se transforment en torrents d'imprécations.  « C'est un scandale ! Un vrai scandale ! » hurle-t-on sous le nez de M. Rabaud.
La sortie des membres du jury n'a rien de particulièrement joyeux, quels que soient les efforts qu'ils déploient pour conserver leur dignité. Descendant l'escalier le plus majestueusement possible, les membres du jury  affichent une impassibilité de circonstance. L'un deux  essaie de justifier ses collègues en levant une main vers le ciel, comme s'il rendait Dieu responsable des événements fâcheux qui sont en train de se dérouler. Les membres du jury ne s'attardent d'ailleurs pas et s'égayent rapidement, car autour d'eux quelques centaines de perturbateurs ne leur ménagent pas les épithètes les plus virulentes.
Pendant que se déroulent ces scènes d'émeute - d'émeute à la mesure du petit monde du spectacle évidemment -, comment réagit le héros malgré lui de la journée, celui « par lequel le scandale arrive »? Il souffre, plus encore de l'injustice préméditée dont il est la victime que de l'absence de récompense. Il n'a pas encore conscience du surcroît de popularité que vont lui offrir involontairement les jurés du Conservatoire; il ne peut pas prévoir que la défaite imméritée qu'il vient de subir vaut tous les premiers prix.
- Sur le moment, c'est vrai, se rappelait-il bien des années plus tard avec un grand sourire, j'ai chialé comme le môme que j'étais encore. Le premier prix, je le voulais, pas tant pour moi que pour ma famille, pour lui prouver qu'un saltimbanque peut être digne de respect. Et puis aussi, ce que je n'acceptais pas, c'était l'injustice dont j'étais frappé. L'injustice est sans doute ce qui dans la vie me révolte le plus, et ce jour-là elle m'a saisi à bras-le-corps; jamais je ne l'avais vue d'aussi près-Gérard Oury, témoin de la scène, en a lui aussi conservé le souvenir :
«Je te reverrai toujours, porté en triomphe, à la porte du Conservatoire, de grosses larmes coulant sur tes grosses joues alors que les membres du jury, honteux de leur verdict, filaient ..."

extrait du livre d'Annette Blier et Claude Dufresne sur la vie de Bernard Blier .

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