MELINA MERCOURI ,DIVA DU CINÉMA GREC ET INSPIRATRICE DE SON MARI, LE REALISATEUR AMERICAIN JULES DASSIN, ELLE SE SERA, COMME NUL AUTRE, IDENTIFIÉE À SA PATRIE, À SES BONHEURS ET À SES TRAGÉDIES.
Elle était née Amalia Mercouris, le 18 octobre 1920, au sein d'une famille patricienne d'Athènes, où la politique se tétait au berceau. Son père, Stamatas, avait été plusieurs fois sénateur avant de devenir ministre de l'Intérieur, tandis que son grand-père, Spyros, à l'origine de son pseudonyme (meli=miel), avait été, durant trente ans, le maire aimé et respecté de la capitale, et son oncle, le gouverneur de la Banque centrale. Bon sang ne pouvait donc mentir, mais l'intérêt pour la chose publique n'allait se manifester que tardivement chez Melina, à l'occasion du putsch militaire de 1967.
Pour l'heure, elle se passionne pour le théâtre et le métier de saltimbanque. A 11 ans à peine, elle chante et danse en public, à l'insu de ses parents et de son grand-père, à qui elle a solennellement promis de ne jamais devenir comédienne. A l'école, elle ne brille ni par l'excellence de ses résultats ni par son assiduité. Et, si elle se révèle douée pour les langues, c'est néanmoins par respect pour son aïeul que, le plus souvent, ses professeurs la laissent accéder au niveau supérieur. A 17 ans, pour s'affranchir de la tutelle familiale et réaliser son rêve d'actrice, elle épouse Panos Harokopos, un homme d'affaires richissime, et s'inscrit, dans la foulée, au cours d'art dramatique. Sa première apparition sur les planches date de 1944, dans « Les anges de la liberté ». Elle se fait huer par le public et lyncher par la critique, qui la trouve trop jeune, trop grande, trop blonde, et, de surcroît, maladroite. Mais c'est mal connaître Melina que de croire qu'elle va ployer sous les volées de bois vert. Elle s'accroche, et son entêtement commence à porter ses premiers fruits. Très vite, en effet, on la rencontre dans le répertoire classique. « Les revenants », d'Ibsen, « Le deuil sied à Electre », d'O'Neill, et « Un tramway nommé Désir », de Tennessee Williams, où, en Blanche DuBois, elle a droit, cette fois, à une standing ovation de la part d'un public qui scande son nom.
Un jour que les dramaturges Marcel Achard et Jacques Deval assistent, à Athènes, à une représentation d'« Une nuit à Samarcande », ils sont subjugués par son abattage et son talent dramatique. L'invitation qu'ils lui lanceront de venir à Paris, où sa connaissance du français lui sera une aide précieuse, va consommer la séparation entre les époux Harokopos. En 1949,
Marcel Achard lui dédie sa pièce « Le moulin de la Galette », au grand déplaisir de ses partenaires Yvonne Printemps et Pierre Fresnav, qui la soupçonnent, à tort, d'être fa maîtresse de l'auteur de «Jean de la Lune ». Sur la scène parisienne, elle devait également jouer « Il était une gare », de Jacques Deval, et « Les compagnons de la marjolaine » (avec Arletty et Bernard Blier), d'Achard encore. Mais l'amour du pays et le besoin de soleil la ramènent en Grèce en 1954, où un jeune réalisateur du nom de Michael Cacoyannis, qui allait connaître, dix ans plus tard, le succès international grâce à « Zorba le Grec », lui demande d'être la vedette de son film « Stella ». Ce drame de la jalousie et premier long métrage local à vocation internationale sera source de nombreuses offres de contrats pour l'actrice et favorisera sa rencontre avec le cinéaste américain Jules Dassin, chassé de Hollywood par la purge maccarthyste. Au Festival de Cannes de 1955, où « Stella » est présenté, Dassin défend « Du rififi chez les hommes », pour lequel il recevra le prix de la mise en scène. Entre ces deux natures diamétralement opposées, mariées chacune de leur côté, c'est le coup de foudre. Mais la vie commune attendra encore. Pour l'heure, il lui propose le personnage de Marie Madeleine dans une adaptation du « Christ recrucifié », de Kazantsakis. « Celui qui doit mourir » sera un relatif échec commercial, comme le sera « La loi ».
Mais, entretemps, les deux amants se sont rapprochés géographiquement pour faire maison commune. Ils prendront leur revanche professionnelle avec «Jamais le dimanche », ode magnifique à la vie, où Melina incarne Illya, une prostituée du quartier du Pirée, qui prétend
sélectionner ses clients et refuse de travailler le jour du Seigneur. Metteur en scène et acteur, Jules Dassin s'y est réservé le rôle d'un intellectuel américain paumé, séduit par l'exubérance et la spontanéité d'Illya, tandis que la musique de Manos Had-jidakis rythme superbement cette leçon de rie, récompensée par un prix d'interprétation à Cannes, que Melina partagera, cette année-là, avec Jeanne Moreau (« Moderato cantabile »). Désormais actrice célèbre et amoureuse comblée, elle incarne, pour Claude Autant-Lara, l'autoritaire et charismatique reine de FranceMarie de Médicis. Un personnage taillé à ses dimensions. Comme l'est Phaedra, séduisante femme d'armateur amoureuse de son beau-fils, dans une version contemporaine de la tragédie grecque d'Euripide, mise en scène par Jules Dassin. « Topkapi », divertissant casse situé dans le sérail des sultans turcs, dont les couloirs résonnent encore du rire tonitruant et obsédant de son interprète, sera, pour le couple, un nouveau rendez-vous avec le succès international. Dans la foulée, Melina Mercouri devient, en 1966, Mme Jules Dassin.
A New York, où elle se produit dans la version scénique et musicale de « Jamais le dimanche », elle apprend, en ce 21 avril 1967, la prise du pouvoir par les militaires grecs. Résistante de la première heure, elle n'aura de cesse d'alerter l'opinion internationale contre ce qu'elle qualifie de viol, et d'appeler au boycott de sa patrie tant que la démocratie n'y sera pas rétablie. Furieux, les colonels la déchoient de sa nationalité. Une disgrâce à laquelle elle répondra laconiquement par le désormais célèbre : «Je suis née grecque et je mourrai grecque. Voui êtes nés fascistes et vous resterez fascistes. » L'exil des Dassin prend fir avec la chute de la dictature, en 1974 .
Le 26 juillet, c'est triomphalement qut Melina débarque à Athènes, portée par une foule en délire. Mais, au lieu de reprendre paisiblement sa vie de star elle entre en politique et pose sa candidature à la députation socialiste dt Pirée, encouragée par le leader du PASOK Andréas Papandréou. Si elle néglige le cinéma, il lui arrive d'encore se produire sporadiquement sur scène. Une exception qui prendra fin le 18 octobre 1981, lorsque la victoire du parti socialiste aux élections l'élève, pour huit ans, à la fonction de ministre de la Culture. Un poste qu'elle devait retrouver en octobre 1993, après une brève parenthèse conservatrice. Si elle n'a pas réussi à rapatrier les marbres d'Elgin et à faire triompher la candidature d'Athènes pour le centenaire des Jeux olympiques, Melina Mercouri aura néanmoins su habiller son ministère d'un prestige que seul son nom aura pu permettre.
Elle décéda d'un cancer du poumon, à New York, le 6 mars 1994. Fumeuse depuis l'âge de 11 ans, elle n'avait jamais prétendu arrêter. Pour une Grecque, fumer comme un Turc pourrait passer pour une mauvaise plaisanterie, si cet entêtement n'avait été la cause de sa mort
( texte de télé ciné revue)