Katharine Hepburn est sans doute la plus grande « actrice » du cinéma américain, et certainement l'une de ses plus grandes stars, ce que Hollywood a reconnu en la sélectionnant plus souvent qu'aucune autre vedette pour l'Oscar de la meilleure interprétation féminine (onze fois en tout) et en le lui décernant trois fois, encore que ce ne soit pas toujours pour ses meilleurs rôles qu'elle a reçu cette récompense. C'est la seule très grande star des années 30 qui fut encore une très grande star en 1980 . En quarante-sept ans de carrière, elle n'a tourné que quarante films, mais la plupart d'entre eux sont de très grande qualité. Pourtant, en dépit de toutes ces réussites incontestables, Katharine Hepburn n'est pas devenue un mythe cinématographique comme le sont devenues des actrices sans doute moins bonnes qu'elle comme Greta Garbo et Marilyn Monroe. On la connaît et on l'apprécie surtout comme comédienne, et c'est probablement ce qu'elle a voulu. Elle s'est battue pour obtenir de bons rôles, au point de financer des pièces jouées à Broadway, d'en acquérir les droits de cinéma, de les interpréter sur scène, puis de revendre les droits à Hollywood à condition de reprendre son rôle dans le film (c'est ce qui s'est produit pour The Philadelphia Story).
Son personnage dans la vie n'a pas été populaire et n'a jamais vraiment fasciné le grand public, en raison peut-être de son accent trop distingué, de son esprit acerbe et de son physique, non dépourvu de beauté, mais gauche et dégingandé. Elle était de race trop aristocratique pour que les masses pussent s'identifier à elle (ce sont les intellectuels et les critiques qui l'ont toujours admirée), et c'est seulement sur le tard, quand elle a formé un tandem avec Spencer Tracy et accepté d'adoucir son image, qu'elle a réellement été acceptée par le grand public. Ses second et troisième Oscars, elle ne les a pas reçus entre 1930 et 1950, quand elle était à l'apogée de sa forme dramatique, mais au cours des années 60. pour des films de moindre envergure. A ce moment, l'aristocrate caustique avait subi une mue : elle offrait désormais une autre image, celle d'une femme plus âgée, aux manières un peu raides, manquant d'expérience amoureuse et tentant de s'y essayer; ce personnage avait plus de chances d'émouvoir les spectateurs, et Hepburn était capable d'en tirer un parti magnifique, comme elle l'avait déjà prouvé dans The African Queen ; mais sa personnalité propre a souffert de ce changement. Que son caractère impérieux n'avait pas disparu, on en a eu la preuve en 1975 quand elle a fait une rentrée brillante dans Rooster Cogburn avec John Wayne ; et l'on a compris alors que le nouveau personnage des années 60 n'avait pas le naturel de celui des années 30.
Elle était née à Hartford (Connecticut), le 12 mai 1907, pur produit de la bonne bourgeoisie intellectuelle de la côte est. Son père était médecin et avait consacré sa vie à la lutte contre les maladies vénériennes, tandis que sa mère était une pionnière du combat pour le droit des femmes et le contrôle des naissances. Kate, la deuxième de six enfants, avait donc de qui tenir. Dès 9 ans, elle adopte la coupe cheveux courts des garçons et se fait appeler Jimmy. «Je détestais être une fille », admettra-t-elle. Le choc de son adolescence sera le suicide de son frère préféré par pendaison. C'est elle qui découvrira le corps.
L'autre « accident » de son adolescence est la promiscuité vécue au collège de Bryn Mawr. Un établissement réputé, mais dont le principe communautaire se heurte à son individualisme ardent. Elle n'y brillera pas par ses notes mais y acquerra le goût du théâtre. Sitôt sa scolarité terminée, elle part à la conquête de Broadway. Si elle décroche rapidement des rôles intéressants, elle a également le chic pour se faire éjecter des les premières représentations. «J'adore tout ce qu'on peut faire seul. L'ennui avec le métier d'acteur, c'est qu'on ne peut l'exercer sans partenaire », avouera-t-elle candidement. En 1932, elle se fera jeter d'« Animal kingdom » par le dramaturge Philip Barry sous le prétexte qu'il ne lui fut trouvé aucune disposition pour la comédie. Une opinion qu'il aura le temps de réviser, dans la mesure où, huit ans plus tard, elle mènera sa pièce « The Philadelphia story » au triomphe. Entretemps, Katharine Hepburn vit déjà séparée du seul homme qu'elle aura jamais épousé, Ludlow Ogden Smith (1928-1934). Un échec dont elle devait assumer l'entière responsabilité. « Je savais Luddy amoureux de moi. Mais le problème était que je n'étais amoureuse que de moi-même », concédera-t-elle dans ses Mémoires (1991).
En 1932, un chasseur de têtes de la RKO la remarque en reine des Amazones dans « The warrior's husband » et l'entraîne à Hollywood, où elle trouve un ami en George Cukor, un amant en John Ford.
Ses débuts à Hollywood furent aisés : George Cukor l'a mise en vedette dans A Bill of Divocement (Héritage) en 1932 et elle a remporté immédiatement son premier Oscar l'année suivante pour Morning Glory (la Gloire du matin), où elle représentait adéquatement une jeune fille ambitieuse qui cherche à devenir une star.
Ce seront les années fastes de Katharine Hepburn, dont sa relation de trois ans avec le milliardaire et patron de la RKO Howard Hughes sera l'apogée. Cate Blanchett et Leonardo DiCaprio les auront fait splendidement revivre dans « Aviator », de Martin Scorsese. Mais son refus de jouer le jeu, sa réticence à se laisser interviewer et son peu de goût pour le glamour ne lui valent pas que des amis. Son culte de l'indépendance est pris pour de l'arrogance. Avant même la première, « The lake » est descendu en flammes par la critique de Broadway. Hollywood n'est pas plus tendre. Face au succès des « Quatre filles du Dr March », de « Désirs secrets » et de « Pension d'artiste », « Sylvia Scarlett », « Mary of Scotland »
C'est avec Howard Hawks qu'elle a fait, à cette époque, sa meilleure création comique, dans l'Impossible M. Bébé, avec Cary Grant : on les voyait élever ensemble un guépard. Mais, malgré des critiques dithyrambiques, Hepburn n'était pas une bonne valeur commerciale, et la RKO s'est montrée ravie lorsqu'elle a proposé de reprendre sa liberté.
Engagée alors par la Columbia, elle y a paru brillamment dans Vacances (comédie tirée d'une pièce de théâtre, où elle retrouvait Grant comme partenaire et Cukor comme metteur en scène). Puis elle est partie pour New York et y a créé une pièce écrite pour elle par l'auteur de Vacances, Philip Barry qui l'avait égratignée quelques années auparavant, : The Philadelphia Story (Indiscrétions). Elle en fera un triomphe personnel et, dans la foulée, s'assurera les droits d'adaptation cinématographique. Elle en a vendu les droits cinématographiques à la MGM à condition d'y tenir le rôle principal aux côtés de Cary Grant et de James Stewart : ce fut une de ses meilleures interprétations à l'écran, mais elle n'a eu droit à aucun Oscar.
Le scénariste Ring Lardner lui offre le script de « Woman of the year », elle accepte le rôle à la condition que la MGM lui garantisse la présence de Spencer Tracy, un acteur qu'elle admire mais qu'elle n'a jamais eu l'occasion de rencontrer.
On connaît la célèbre remarque de l'actrice en l'apercevant pour la première fois : « Mais il est trop petit pour moi. » Constat auquel le producteur Joseph Mankiewicz aurait répondu sans sourciller: « Ne vous inquiétez pas. Il vous taillera à ses mesures. ».Leur confrontation fera des étincelles.
Ce sera le début de leur longue collaboration publique (et privée) : ils allaient tourner dix films ensemble.
La relation d'Audrey avec Spencer ne s'éteindra qu'avec la mort de « Spence », vingt-sept ans plus tard. Depuis 1923, le comédien est en effet marié à Louise Treadwell, qui lui a donné deux enfants, dont un handicapé. En accord avec ses principes religieux mais également son souci de ne pas fuir ses responsabilités, il renonce au divorce. Tant mieux: Kate n'est pas demanderesse.Par égard pour sa femme, Kate se fera un point d'honneur à ne jamais être photographiée avec Spence, en dehors des plateaux, et adaptera son mode de vie au sien. Sans perdre une once de son ardente personnalité, elle va ainsi dompter son légendaire individualisme. Une attitude dont le public lui saura gré. « L'amour n'a rien à voir avec ce que l'on reçoit, mais avec ce que l'on donne. Et lui donnait tout », dira-t-elle pour justifier cette insolite dévotion.
La MGM a fait signer un contrat exclusif à Hepburn et lui a fait jouer, avec Tracy, des films dramatiques moins intéressants (la Flamme sacrée, le Maître de la Prairie) et de très bonnes comédies (l'Enjeu, Madame porte la culotte). Après une nouvelle période à Broadway, Katharine Hepburn a regagné une fois de plus Hollywood et s'y est déniché un partenaire idéal en la personne de Humphrey Bogart, avec qui elle a tourné ce que certains considèrent comme son meilleur film : The African Queen. Elle a retrouvé Tracy pour Pat and Mike (Mademoiselle Gagne-Tout) et Une femme de tête. Entre-temps, elle avait repris le rôle de la femme entre deux âges manquant d'expérience amoureuse dans Vacances à Venise et le Faiseur de pluie. Au cours des années 60, Katharine Hepburn a encore changé d'emploi et a créé de puissants personnages de mères dans Soudain l'été dernier et dans le Long Voyage vers la nuit.
De 1962 à 1967, elle demeurera absente des écrans pour soigner Spencer Tracy. C'est elle encore qui le convaincra de revenir au cinéma, dans « Devin qui vient dîner ». Trois semaines plus tard, il décédait. Le vieux partenaire est mort peu après les derniers tours de manivelle de ce film, et l'Académie du cinéma a décerné un nouvel Oscar à Hepburn en guise de consolation. Elle en a reçu un troisième l'an d'après pour sa remarquable interprétation du personnage d'Éléonore d'Aquitaine dans Un lion en hiver (avec Peter O'Toole). Elle a paru encore, ce qui était une erreur, dans une déplorable adaptation cinématographique de la Folle de Chaillot, puis est partie pour New York pour y créer le rôle de Chanel dans la comédie musicale Coco.
Loin de se laisser dévorer par son chagrin, elle se plonge avec davantage de fièvre encore dans le travail. En 1969 elle décroche un troisième Oscar pour son interprétation de cette maîtresse femme qu'était la reine Aliénor d'Aquitaine (« Le Lion en hiver »). Et, lorsque la demande s raréfiera, elle se tournera vers la télévision. Entre-temps, elle a abandonné tout maquillage, a rassemblé ses cheveux en chignon croupion et a renoncé au glamour pour une vie frugale-saine et sportive, dans son Connecticut natal, qui la conduira, d'un pas martial, jusqu'à l'aube de ses 90 ans. Jane Fonda devait la tirer de sa retraite en 1980, pou l'associer à son père dans « La maison du lac ». Une comédie familiale autour de deux amants au crépuscule de leur existence.
Au jour de sa mort, le 29 juin 2003, Katharine Hepburn souffrait, depuis plusieurs années, de la maladie de Parkinson et se tenait à l'écart de la curiosité publique. «Je sens que je me désintègre, mais je ne crains ni l'autre monde ni l'enfer, et je ne me réjouis pas de découvrir le paradis », disait-elle, fidèle à elle-même.
GEORGE CUKOR...A BILL OF DIVORCEMENT...A BILL OF DIVORCEMENT...1932
DOROTHY AZNER...CHRISTOPHER STRONG...CHRISTOPHER STRONG...1933
LOWELL SHERMAN...MORNING GLORY...MORNING GLORY...1933
GEORGE CUKOR...LES QUATRE FILLES DU DR MARCH...LITTLE WOMEN...1933
JOHN CROMWELL...MADEMOISELLE HICKS...SPITFIRE...1934
RICHARD WALLACE...THE LITTE MINISTER...THE LITTE MINISTER...1934
RICHARD MOELLER...COEURS BRISES...BREAK OF HEARTS...1935
GEORGE STEVENS...DESIRS SECRETS...ALICE ADAMS...1935
GEORGE CUKOR...SYLVIA SCARLETT...936
JOHN FORD...MARY OF SCOTLAND...1936
MARK SANDRICH...LA REBELLE...A WOMAN REBELS...1936
GEORGE STEVENS...POUR UN BAISER...QUALITY STREET...1937
GREGORY LA CAVA...PENSION D'ARTISTES...STAGE DOOR...1937
HOWARD HAWKS...L'IMPOSSIBLE MONSIEUR BEBE...BRINGING UP BABY...1938
GEORGE CUKOR...VACANCES...HOLIDAY...1938
GEORGE CUKOR...INDISCRETIONS...THE PHILADELPHIA STORY...1940
GEORGE STEVENS...LA FEMME DE L'ANNEE...WOMAN OF THE YEAR...1941
GEORGE CUKOR...LA FLAMME SACREE...KEEPER OF THE FLAME...1942
FRANK BORZAGE...LE CABARET DES ETOILES...STAGE DOOR CANTEEN...1943
JACK CONWAY...LES FILS DU DRAGON...DRAGON SEED...1944
HAROLD S BUCQUET...SANS AMOUR...WITHOUT LOVE...1945
VINCENTE MINNELLI...LAME DE FOND...UNDERCURRENT...1946
ELIA KAZAN...LE MAITRE DE LA PRAIRIE...THE SEA OF GRASS...1947
CLARENCE BROWN...PASSION IMMORTELLE...SONG OF LOVE...1947
FRANK CAPRA...L'ENJEU...STATE OF THE UNION...1948
GEORGE CUKOR...MADAME PORTE LA CULOTTE...ADAM'S RIB...1949
JOHN HUSTON...L'AFRICAN QUEEN...THE AFRICAN QUEEN...1951
GEORGE CUKOR...MADEMOISELLE GAGNE TOUT...PAT AND MIKE...1952
DAVID LEAN...VACANCES A VENISE...SUMMER MADNESS...1955
JOSEPH ANTHONY...LE FAISEUR DE PLUIE...THE RAINMAKER...1955
RALPH THOMAS...WHISKY VODKA ET JUPON DE FER...THE IRON PETITCOAT...1955
WALTER LANG...UNE FEMME DE TETE...THE DESK SET...1957
JOSEPH L MANKIEWICZ...SOUDAIN L'ETE DERNIER...SUDDENLY LAST SUMMER...1959
SIDNEY LUMET...LE LONG VOYAGE DANS LA NUIT...LONG DAY'S JOURNEY INTO NIGHT...1962
STANLEY KRAMER...DEVINE QUI VIENT DINER...GUESS WHO'S COMING TO DINER...1967
ANTHONY HARVEY...LE LION EN HIVER...THE LION IN WINTER...1968
BRYAN FORBES...LA FOLLE DE CHAILLOT...THE MADWOMAN OF CHAILLOT...1969
MICHAEL CACOYANNIS...LES TROYENNES...THE TROJAN WOMEN...1970
TONY RICHARDSON...A DLICATE BALANCE...A DLICATE BALANCE...1973
STUART MILLER...UNE BIBLE ET UN FUSIL...ROOSTER COGBURN...1975
RICHARD COLLA...OLLY OLLY OXEN FREE...OLLY OLLY OXEN FREE...1976
MARK RYDELL...LA MAISON DU LAC...ON GOLDEN POND...1980
ANTHONY HARVEY...FAUT M'ELIMINER...THE ULTIMATE SOLUTION OF GARCE QUIGLEY...1983
GLENN GORDON CARON...LOVE AFFAIR...LOVE AFFAIR...1993