LES LUNETTES D'OR
titre oriinal Gli Occhiali d'Oro
1987
Réalisateur : Giuliano Montaldo Scénario et adaptation : Nicola Badalucco, Antonella Grassi et Giuliano Montaldo, d'après le roman de Giorgio Bassani, «Les lunettes d'Or»
Musique : Ennio Morricone
Avec :
Philippe Noiret : Dr Fadigati,
Rupert Everett : David Lattes,
Valeria Golino : Nora Trêves,
Nicola Farron : Eraldo,
Stefania Sandrelli : Signera Lavezzoli,
Rade Makcovic : Bruno Lattes,
Riccardo Diana : Nino Bottechia,
Anna "Lezzi : Vittoria Lavezzoli,
Giovanni Robin de Cervin : Guido,
Lavinia Scgurini : Bianca,
Nanni Massa : Avv. Lavezzoli,
Ivana Despotovic : Carlotta,
Luca Zingaretti : Molon,
Roberto Herlitzka : professeur Perugia,
Arianna Felloni : Elena Lattes,
Esmeralda Ruspoli : mère Eraldo,
Rodolfo Marcenaro : le grand due,
Marco Mastantuono : Paolo,
Caterina Menegatti : Gloria Lavezzoli,
Nada Skringar : l a gouvernante,
Dusica Zegarac : Muriam Lattes.
En 1938, la petite ville italienne de Ferrare vit à l'heure du fascisme. Les slogans et les manifestations se succèdent qui secouent l'université et provoquent le renvoi des professeurs juifs tandis que la bourgeoisie profite des derniers rayons d'un soleil chaque jour plus menaçant.
Dans ce contexte trouble, le docteur Fadigati partage son temps entre son cabinet et la faculté de médecine de Bologne où il professe. Cultivé et grand amateur d'art, c'est un homme que l'on respecte et considère. Fasciné par David, un jeune et bel étudiant juif dont il est tombé amoureux, Fadigati pénètre le milieu estudiantin pour pouvoir le fréquenter. Il y rencontre Eraldo, un jeune boxeur plein de promesses qui l'entraîne dans une brève liaison scandaleuse. Mais ce qui n'est qu'un caprice chez Eraldo prend chez Fadigati une ampleur insoupçonnée qui vire à la passion amoureuse.
Mis à l'index par la bourgeoisie locale, Fadigati trouve un soutien moral auprès de David qui vit avec Nora, une jeune juive, une passion du même type. Excepté qu'avec la montée du fascisme, celle-ci prend peur et accepte de se convertir. Choqué, David rompt définitivement avec elle.
Brisé, Fadigati n'a plus qu'un chien errant pour compagnon. Après un dernier rendez-vous manqué avec David, il choisit le suicide,victime du mépris et de la calomnie.
«Les lunettes d'or» est un classique de la littérature italienne écrit par Giorgio Bassani qui demeure plus connu en France pour avoir publié quatre ans plus tard «Le jardin des FlNZI-contlni» que Vittorio de Sica porte à l'écran en 1971.
Oeuvre exceptionnelle, «les lunettes d'or» aborde en Italie un sujet rarement traité : l'homosexualité.
"Le charme de l'évocation discrète de l'homosexualité du personnage principal, de l'ambiguité mélancolique du docteur Fadigati, la tragédie imminente de la guerre et de la haine raciale qui devait détruire des millions d'êtres humains " ce sont les thèmes majeurs qui nourrissent l'adaptation de Montaldo.
Endossant avec une sensibilité et une pudeur infinies la personnalité troublante de Fadigati, Philippe Noiret s'abandonne à l'une de ses compositions les plus douloureuses--Costumé de noir et nanti d'une bonne éducation comme d'une vraie culture artistique propres à susciter le respect et l'admiration de la bourge locale, il verse dans l'autodestruction avec une vérité et une fatalité parfois insoutenables. Ses regards à la dérobée qui délaissent progressivement la ligne d'horizon de Ferrare pour fixer les pavés humides de sa déchéance sont magnifiques dans l'expression de sa douleur infinie et irréductible. Bouleversant d'humanisme, Noiret porte son interprétation à la hauteur d'un témoignage universel.
«L'histoire et le personnage m'ont tout de suite emballé ,ça va passer pour une prétention de ma part encore que ce ne soit pas mon état d'esprit courant, mais j'ai su immédiatement que je pourrai faire quelque chose de pas mal avec Fadigati. C'est finalement un des rôles les plus faciles que j'ai interprétés. Ce qui m'a passionné, c'est d'essayer de faire instantanément passer dans un personnage de notable reconnu, respecté et admis par la société dans laquelle il évolue, une sorte de blessure tout en la dosant pour qu'elle n'apparaisse pas de prime abord ... Qu'on la découvre vraiment en revoyant le film ! Pour un acteur, c'est une chose passionnante à faire...».
On se souviendra longtemps de sa silhouette noire arpentant désespérément seule les rues de Ferrare, de ce chapeau sombre derrière lequel il se dissimule chaque jour davantage, de ces petites lunettes rondes qui décuplent son regard meurtri... Dans l'interprétation de Fadigati, Noiret atteint à la sublimité.
Son confident et seul ami, c'est Rupert Everett, une révélation dans le cinéma anglais et qui, en Italie, a déjà travaillé avec Francesco Rosi dans
«Chronique d'une mort annoncée».
«Avec Rupert, les rapports étaient marrants car il n'est pas commode. C'est un emmerdeur attachant avec une présence et une personnalité tout-à-fait intéressantes. Il est de ces jeunes acteurs avec qui il faut de la patience de la part du metteur en scène... mais aussi un peu de ses partenaires. Il y a par exemple chez lui une absence de préoccupation totale du rythme d'une scène ; pour dire une réplique, il attend d'être parfaitement dans l'état qu'il faut pour la sortir sans tenir compte forcément que dans la situation réaliste qu'il interprète, s'il y a des temps comme ça, les réactions de la personne en face ne peuvent plus être les mêmes ! Je ne pense pas que ce soit volontaire de sa part pour prendre le pas sur l'autre mais si on ne veut pas être troublé, il faut là un peu de métier. Son vrai problème sur le film, c'est qu'il n'avait pas confiance en Giuliano (Montaldo). Chaque fois qu'un changement de costume était prévu, c'étaient toujours des discussions sans fin. En même temps, Giuliano est un vieux routier et quand il me voyait perplexe par rapport à tout ça, il me faisait discrètement signe qu'au montage il arrangerait la chose (tout en respectant le travail de Rupert !)... J'ai pris énormément de plaisir aux rapports que j'ai eus avec Giuliano : c'est un homme enthousiaste. chaleureux — vous connaissez mon goût pour ces choses-là —- qui prend soin d'écouter et regarder les gens qui travaillent avec lui...».