Star aux deux visages, Silvana Mangano nous laissera des souvenirs différents selon que l'on est plus familier de sa période prolétarienne, née dans le sillage du mouvement néo¬réaliste italien, ou de ses appa¬ritions tardives en grande bour¬geoise et en héroïne de tragédie antique, sous l'influence de Visconti et de Pasolini. Deux per¬sonnalités d'une même comé¬dienne d'autant moins incom-patibles que « la » Mangano a toujours passé pour un auda¬cieux croisement entre la sage Ingrid Bergman et la sensuelle Rita Hayworth. La première fois qu'elle s'offre à nous sur l'écran démesuré de nos salles obs¬cures, c'est en repiqueuse de riz de la plaine du Pô, dans un film de Giuseppe De Santis. La poi¬trine provocante moulée dans un chemisier trop étroit, le short de toile grossière remonté jus¬qu'au-delà des cuisses et les jambes nues maculées de boue, elle est l'image même de l'érotisme. Cette année-là, au Festival de Cannes, on ne se souviendra que des cuisses de Silvana Mangano dans « Riz amer ». Quinze ans plus tard, la voilà métamorphosée en aristo¬crate polonaise promenant sa progéniture androgyne sous l'œil concupiscent de Dirk Bogarde, quand elle ne reçoit pas la révélation divine par l'entre¬mise d'un archange qui favorise la communication charnelle. Entre les deux, une période au cours de laquelle la comédienne se sera employée à battre en brèche la sulfureuse réputation que le film de De Santis lui avait value. Essentiellement par son mariage avec le producteur Dino De Laurentiis et la priorité donnée à la vie de famille. Un choix qui l'avait amenée, à plu¬sieurs reprises, à envisager son retrait de la scène cinématographique, ce dont Visconti avait su la dissuader. La mort accidentelle de son seul fils, à l'âge de 26 ans, n'aura pas été étrangère à sa disparition prématurée.
silvana Mangano était née à Rome le 30 avril 1930, d'un père sicilien, employé des chemins de fer, et d'une mère anglaise. Formée à la danse classique, elle glisse vers le mannequinat et se retrouve embrigadée dans des concours de beauté. C'est ainsi qu'elle devient Miss Rome en 1946 et attire sur elle, et sur sa plastique sculpturale, l'attention du costumier de cinéma Georges Annenkov, qui lui ouvre les bonnes portes et lui obtient un rôle dans « Elixir d'amour ». L'année suivante, elle concourt pour le titre de Miss Italie, où elle est en lice avec quelques futures stars du cinéma italien, pour l'heure parfaitement inconnues. Ainsi Gina Lollobrigida, Gianna Maria Canale, Eleonora Rossi Drago et Lucia Bosè, qui sera couronnée cette année-là, à Stresa. Par bonheur, la future Mme Luis Dominguin avait, à l'époque, des parents extrêmement méfiants à l'égard des milieux cinématographiques. Un peu d'empressement qui valut à Silvana Mangano d'hériter du rôle de la paysanne du Pô, dans « Riz amer », pour lequel Lucia Bosè avait initialement été pressentie, sur la foi d'un bout d'essai.
Au confluent du mélodrame et du pamphlet social, le film de De Santis connaît une diffusion mondiale, mais son attrait tient moins à son message qu'au parfum de sensualité moite et suggestive qui en émane. Pour l'Italie, c'est retour de la diva, de la star et de la femme fatale . Silvana Mangano en plus de sa plénitude physique, offre cette douce pâleur du visage et ce profil austère qui la rendent d'autant plus distante et mystérieuse. L'expression d'une timidité, en réalité, plus qu'une attitude composée. L'actrice devait d'ailleurs avouer son malaise devant les caméras et, surtout, sa crainte de ne pas être à la hauteur, elle qui était entrée en cinéma sans formation dramatique. Sous cette lumière, on comprend mieux sa réticence à se laisser capter par le star-système.
Si « Riz amer » lui apporte la célébrité, il sera aussi à l'origine de son mariage (1949) avec Dino De Laurentiis, producteur du film et tout autant victime que le public de l'effet Mangano, ainsi que de la forte demande commerciale dont elle fera naturellement l'objet. Si, avec « Mara, fille sauvage », elle poursuit dans le registre de la sensualité animale, elle présente déjà, dans « Anna », cette dualité qui sera le propre de son bref parcours cinématographique. Dans ce mélodrame de Lattuada, elle incame en effet une jeune femme, partagée entre une passion trouble et un amour sincère, qui finira par prendre le voile. Cette gravité toute nouvelle lui vaudra, en 1955, le prix Donatello pour la prostituée complaisante à laquelle elle prête ses traits dans « L'or de Naples ». Mais, tout au long de ces années, Silvana Mangano ne montrera jamais de hâte pour remonter sur un plateau. Quatre enfants entreront dans sa famille et elle laissera de coté le cinéma.
Elle n'a aucune ambition de star. Pourtant, quand elle condescend à revenir, elle n'est jamais banale dans ses choix. Elle s'entend même à brouiller les pistes en passant du drame (« Barrage contre le Pacifique », « Cinq femmes marquées ») au registre comique (« La Grande Guerre », « Chacun son alibi »), voire au péplum (« Barabbas »)
Sans ses rencontres avec Pier Paolo Pasolini et Luchino Visconti, qui sauront magnifier le halo de mystère et de froideur aristocratique dont elle semblait naturellement enveloppée, Silvana Mangano se serait probablement retirée du circuit cinématographique. Impériale et fantomatique en mère incestueuse dans « Œdipe roi », elle préfigure, par ce rôle, les grandes bourgeoises éthérées de « Mort à Venise » et de « Ludwig », comme l'aristocrate vieillissante dévoyée par ses sens de « Violence et passion ». Mais, en 1973, la faillite de la maison de production de son mari, Dinocittà, l'amène à quitter l'Italie pour Los Angeles. Pour la première fois, elle peut accéder à son rêve de ne s'occuper que de sa famille. Hélas, en 1981, c'est la tragédie. Son fils, Federico, meurt dans un accident d'avion. Le mariage des De Laurentiis n'y survivra que deux ans, sans que le divorce, pourtant, soit jamais prononcé. En 1986, Silvana Mangano clôt une carrière devenue très discrète depuis son départ d'Italie par « Les yeux noirs », où elle retrouve, sans entraves conjugales, Marcello Mastroianni. Mais, pour l'un comme pour l'autre, le crépuscule est proche. C'est finalement à Madrid, où elle s'était retirée auprès de sa fille cadette, Francesca, que cette grande actrice — un peu malgré elle, il est vrai — devait décéder le 16 décembre 1989, des suites d'une hémorragie cérébrale doublée d'une attaque cardiaque qui l'avait plongée dans un coma profond.
MARIO COSTA… ELIXIR D'AMOUR… ELISIR D'AMORE …1946
ALBERTO LATTUADA …LE CRIME DE GIOVANNI EPISCOPO… IL DELITTO DI GIOVANNI EPISCOPO …1947
ETTORE GIANNINI… CARREFOUR DES PASSIONS… GLI UOMINI SONO NEMICI …1947
GIUSEPPE DE SANTIS … RIZ AMER … RISO AMARO …1948
GREGORY RATOFF… CAGLIOSTRO… BLACK MAGIE …1949
DUILIO COLETTI … LE LOUP DE LA SILA… IL LUPO DELIA SILA …1949
MARIO CAMERINI…. MARA, FILLE SAUVAGE … IL BRIGANTE MUSOLINO… 1950
ALBERTO LATTUADA …ANNA …1951
MARIO CAMERINI … ULYSSE …ULISSE…1951
MARIO MATTOLI… IL PIU COMICO SPETTACOLO DEL MONDO…. 1953
VITTORIO DE SICA… L'OR DE NAPLES… L'ORO DI NAPOLI …
ROBERT ROSSEN… MAMBO ….1954
GIUSEPPE DE SANTIS …. HOMMES ET LOUPS ….UOMINI E LUPI …1956
RENE CLEMENT… BARRAGE CONTRE LE PACIFIQUE… LA DIGA SUL PACIFICO …1957
ALBERTO LATTUADA … LA TEMPETE ..LA TEMPESTA… 1958
MARIO MONICELLI … LA GRANDE GUERRE … LA GRANDE GUERRA …1959
MARTIN RITT … CINQ FEMMES MARQUEES …JOVANKA E LE ALTRE/FIVE BRANDED WOMEN …1959
MA¬RIO CAMERINI… CHACUN SON ALIBI… CRIMEN …1960
VITTORIO DE SICA ….LE JUGEMENT DERNIER… IL GIUDIZIO UNIVERSALE… 1961
DINO RISI … UNE VIE DIFFICILE… UNA VITA DIFFICILE …1961
RICHARD FLEISCHER… BARABBAS… BARABBA …1961
CARLO LIZZANI …LE PROCES DE VERONE… IL PROCESSO DI VERONA…. 1963
TINTO BRASS … LA MIA SIGNORA …1964
TINTO BRASS …. IL DISCO VOLANTE …1964
ALESNDRO BLASETTI …MOI, MOI, MOI... ET LES AUTRES… LO, IO, IO... E GLI ALTRI… 1965
FRANCO ROSSI … LES SORCIERES… LE STREGHE …1966
ALBERTO SORDI… SCUSI, LEI E FAVO-REVOLE O CONTRARIO… 1967
PIER PAOLO PASOLINI… ŒDIPE ROI …EDIPO RE … 1968
PIER PAOLO PASOLINI … THEOREME… TEOREMA …1968
MARIO MONICELLI ….CAPRICCIO ALL'ITALIANA ….1968
LUIGI MAGNI… SCIPIONE DETTO ANCHE L'AFRICANO …1970
LUCHINO VIS¬CONTI … MORT A VENISE …MORTE A VENEZIA …1970
DE) ; «PIER PAOLO PASOLINI… LE DECAMERON …IL DECAMERON …1971
LUCHINO VISCONTI … LE CREPUSCULE DES DIEUX… …1971
LUIGI COMENCINI… L'ARGENT DE LA VIEILLE…. LO SCOPONE SCIENTIFICO… 1972
CARLO CARUNCHIO …D'AMORE SI MUORE ….1972
LUCHINO VIS¬CONTI… VIOLENCE ET PASSION … GRUPPO DI FAMIGLIA IN UN INTEMO… 1974
DAVID LYNCH … DUNE …1984
NIKITA MIKHALKOV … LES YEUX NOIRS… OCI CIORNIE …1986