Alexander Korda, de son vrai nom Sandor Kellner, naquit en Hongrie, près de Tûrkeve, le 16 septembre 1893. Après avoir travaillé comme journaliste pour une revue de cinéma, Korda fit ses débuts dans la réalisation en 1914. Il fut ensuite aidé par ses deux plus jeunes frères, Zoltân et Vincent, respectivement cinéaste et décorateur.
Sa carrière en Grande-Bretagne, qui couvrit vingt-cinq années, a relégué au second plan les dix-sept années qui précédèrent pendant lesquelles il travailla en Hongrie, à Vienne, à Berlin, à Hollywood et à Paris.
Totalement inconnu hors des frontières de son pays, Korda, avec son compatriote Michael Curtiz, domina la naissante industrie cinématographique hongroise entre 1917 et 1919. Mais la chute du régime communiste de Béla Kun, en 1919, l'amena à quitter la Hongrie. Avec sa femme, l'actrice Maria Corda, il s'établit à Vienne où il resta deux ans, durant lesquels il dirigea quatre films. Korda se fit connaître aux Américains grâce à la bonne diffusion du premier de ces deux films, Sa Majesté le jeune mendiant (1920) — une adaptation du roman de Mark Twain « Le Prince et le pauvre ». L'éloge chaleureux que lui valut son évocation des fastes britanniques le convainquit qu'il était possible de réaliser des films inspirés de traditions nationales, même éloignées de l'expérience personnelle du cinéaste.
Korda quitta Vienne pour s'établir à Berlin où il résida de 1922 à 1926. Dans le film Le Lendemain inconnu (Das unbekannte Morgen, 1923), il concilia son attirance pour les sujets romantiques avec les grands thèmes de l'expressionnisme : destinée et mysticisme, très en vogue dans le cinéma allemand de l'époque. Son séjour berlinois se conclut sur la réalisation de Mannequin de roi (Eine Dubarry von Heute, 1926), une comédie sophistiquée avec laquelle Korda voulait attirer l'attention de Hollywood. Il se sentait fin prêt pour réussir dans la capitale du cinéma et il obtint, en effet, un contrat avec la First National. Il s'installa donc à Hollywood au début de 1927.
Pendant les quatre années qu'il y passa, de 1927 à 1930, Korda fut catalogué comme le cinéaste des vedettes et des reconstitutions historiques. Le seul film de cette période qui mérite d'être mentionné est La Vie privée d'Hélène de Troie (The Private Life of Helen of Troy, 1927).
Le cinéaste revint en Europe en 1930. Il se rendit d'abord en France, aux studios Paramount de Joinville où il tourna Marius (1931), le premier film de la trilogie tirée de l'œuvre théâtrale de Marcel Pagnol; puis, en automne 1931, il rejoignit la filiale de la Paramount en Grande-Bretagne pour diriger des films entrant dans le cadre de la loi préservant la production britannique.
Quelques mois plus tard, il décida de créer sa propre société : la London Film Productions. Le sixième film de la nouvelle compagnie, La Vie privée d'Henri VIII (The Private Life of Henry VIII, 1933) dont Korda était le réalisateur et le producteur, obtint un énorme succès dans le monde entier. Ses recettes atteignirent un chiffre record en Amérique et, dans l'ensemble, il fit un bénéfice dix fois supérieur au coût de production. Alors que le film historique était passé de mode à l'époque, Korda réussit à en renouveler l'intérêt auprès du public en proposant une image plus humaine du personnage populaire d'Henri VIII, soulignée par la vitalité de l'interprétation de Charles Laughton.
Durant les sept années qui suivirent, Korda essaya d'exploiter le succès de La Vie privée d'Henri VIII, d'abord en reprenant le thème de la vie privée de personnages illustres avec La Grande Catherine (The Rise of Catherine the Great, 1934), de Paul Czinner, et La Vie privée de Don Juan (The Private Life of Don Juan, 1934), deux échecs sur le plan commercial, puis avec une trentaine de films prestigieux pour lesquels il engagea des talents venus de tous les horizons afin de donner à sa production une portée internationale.
Bien qu'aucun de ces films n'ait réussi à atteindre les bénéfices de La Vie privée d'Henri VIII , quelques titres parmi les plus importants suffisent pour montrer combien le cinéma britannique est redevable à cet immigré hongrois : Le Mouron rouge (The Scarlet Pimpernel, 1934), La Vie future (Things to Corne, 1936), Rembrandt (1936), Le Chevalier sans armure (Knight Without Armour, 1937), Alerte aux Indes (The Drum, 1938) Les Quatre Plumes blanches (The Four Feathers, 1939) et Le Voleur de Bagdad (The Thief of Bagdad, 1940).
Tous ces films se signalent par leur raffinement dû en grande partie à la photographie du cameraman français Georges Périnal .
Bien qu'attachant une grande importance au contenu , il avait une imagination fertile toujours ouverte aux idées nouvelles.
Mais sa qualité principale était une habileté financière qu'il sut mettre à profit pendant la seconde moitié des années 30. Comme la production de films capables de soutenir la concurrence sur les marchés extérieurs demandait un effort financier immense, la London Film fut obligée de faire appel à l'United Artists, qui accueillit Korda dans son conseil d'administration en 1935, et à la City of London's Prudential Assurance.
L'aide de l'United Artists et les investissements énormes de la Prudential apportèrent une contribution fondamentale et permirent à Alexandre, la construction des studios de Denham, près de Londres, dans les années 30. Inaugurées en 1936, ces installations étaient les plus modernes d'Europe, presque trop grandes pour un seul producteur.
Sir Alexander Korda revint à Londres en été 1943 et il passa deux années à essayer, en vain, de remettre sur pied la MGM-British/London Film Productions; il dut y renoncer en 1945 après n'avoir réalisé qu'un seul film, Perfect Strangers (1945). En 1946, il concentra tous ses efforts pour redonner à la London Film un statut de compagnie indépendante. Lassé de la réalisation, il assuma le rôle de directeur de production, s'occupant seulement des affaires administratives.
Sa plus grande réussite, pendant ses dernières années d'activité, fut d'attirer une grande partie des cinéastes anglais indépendants dans l'orbite de sa maison cinématographique, tout en les laissant travailler librement, sans aucune pression. Des cinéastes de prestige, comme Michael Powell, Emeric Pressburger, Carol Reed, David Lean, Anthony Asquith, Frank Launder, Sidney Gilliat et Laurence Olivier, purent ainsi montrer leurs meilleurs films.
En 1946, Korda assuma aussi le contrôle de la British Lion pour assurer la bonne distribution de ses films et il fit reconstruire et réadapter les studios Shepperton, qui devinrent le centre de la production de la London Film. Lors de la crise financière que l'industrie cinématographique traversa en 1948 la British Lion de Korda obtint le premier financement de l'État par l'intermédiaire d'un organisme à peine constitué, la National Film Finance Corporation.
Mais, en 1954, les dettes contractées auprès du gouvernement, de l'ordre de 3 millions de livres sterling, n'étaient pas encore remboursées. Le second empire cinématographique de Korda s'effondra avec l'arrivée des liquidateurs à la British Lion.
Malgré cette faillite, le très habile Korda réussit à mettre sur pied d'autres alliances financières qui lui permirent de continuer la production jusqu'à sa mort, en 1956.
Korda producteur fut plus grand que le Korda cinéaste.