ADORABLE MENTEUSE
France. 1961.
RÉALISATEUR: Michel Deville. AUTEURS: Michel Deville et Nina Companeez.
Avec
Marina Vlady,
Une menteuse de profession (elle rédige un courrier du cœur) et de goût (elle pense que le mensonge est une création, à la différence de la vérité qui n'est qu'un reflet du passif, du réel), Juliette s'amuse aux mille petits jeux de l'amour avec tous les hommes qu'elle rencontre. Et tous se laissent prendre à son jeu tant son génie est grand, depuis ses plus proches amis jusqu'au dernier des inconnus rencontré dans une boite de nuit. Mais Juliette s'ennuie. Ce ne sont que mensonges à la petite semaine. Sa sœur lui suggère alors de s'attaquer à Tartuffe, un locataire rébarbatif de leur immeuble frisant la quarantaine. Pour Juliette commence alors une longue chasse au cours de laquelle elle épie les faits et gestes de Tartuffe qui, toujours grave et compassé, passe avec une belle aisance d'un temple protestant, à un restaurant végétarien ou à une morgue. Juliette le surprend encore entrant dans un hôtel avec une petite fille et n'en ressortant que quelques heures plus tard avec une malle en osier, ou encore recevant de l'argent des mains d'une professionnelle... Que fait donc Tartuffe? Le mystère finira par s'éclaircir pour Juliette: Tartuffe est avocat et la moindre de ses démarches répond à des exigences professionnelles. Un soir de guet à Montmartre, elle est prise à partie par une dizaine de voyous et Tartuffe vient à son secours. Il lui dévoile, peu après qu'il se savait épié et qu'il n'a jamais été dupe. Juliette continue pourtant le jeu. Elle lui déclare son « amour » l'appelle Rodrigue et raccompagne partout. Amusé d'abord, Tartuffe (Antoine) qui est sur le point de se marier, se lasse et se fâche. Rien n'y fait. Un jour, au cours d'un pique-nique, elle réussit à l'embrasser et croit un peu vite être arrivée à bout de sa résistance. En fait, il lui déclare qu'Une l'aime pas et qu'il a tout juste profité des circonstances. Brusquement, elle ne trouve plus du tout le jeu drôle. Elle cesse de l'importuner. Dès lors Antoine et Juliette ne se voient plus. Ils s'aperçoivent qu'ils s'aiment. Notre menteuse devient songeuse, rêveuse... Elle se cloître. Antoine de son côté, devient distrait et rompt avec sa fiancée. Enfin une nuit. Juliette n'y tient plus : elle s'introduit dans l'appartement d'Antoine et se glisse dans son lit sans qu'il se réveille. Au petit matin, c'est la surprise. Ils sont l'un à l'autre. « Je veux beaucoup de lumière » dit Antoine ouvrant les volets, avant de s'approcher d'elle.
Dans Adorable menteuse, Michel Deville passait déjà du ton léger de la comédie à un ton beaucoup plus grave et moins badin. On allait retrouver cette caractéristique dans la plupart de ses films.
Marina Vlady a écrit dans son livre :
Une scène me revient en particulier : celle du restaurant. Juliette fait mine d'être poursuivie par un type dangereux et demande aide et protection à un pauvre gars en train de savourer son plat du jour, rôle interprété par Christian Alers. Ce qui passe sur le visage de celui-ci lorsqu'il voit rappliquer Juliette dans tous ses atours est indescriptible. Seul un très grand acteur comique peut se permettre ce genre d'outrances.
Un autre acteur nous a bien fait rire : Michael Lonsdale, dans son premier rôle, déguisé en agent de la circulation. Désopilant ! Je me rappelle aussi Jean-Marc Bory, tendre amoureux, Pierre Clémenti, débutant lui aussi, dans une jolie scène de baiser en prison, Claude Nicot, avec son « cheveu sur la langue ». Tous ceux et toutes celles que Michel Deville avait, à son habitude, choisis avec le plus grand soin. Car en voilà un qui a toujours aimé les comédiens et qui, tout au long de sa carrière, aura non seulement découvert de nouveaux talents, mais aussi révélé des talents inconnus chez des acteurs confirmés dont il sut mettre au jour des aptitudes cachées. J étais moi-même poussée par lui vers le comique, et certaines scènes qui m'étaient apparues presque caricaturales au tournage se sont révélées, le film une fois monté, tout à fait à leur place...
Adorable Menteuse reçut les louanges de la critique et bénéficia surtout d'un énorme succès public. Ce travail avec Michel Deville m'a confortée dans l'idée que la richesse d'une vie d'acteur n'est pas faite que d'une seule note, d'un thème unique ni même d'une tessiture inamovible. Nous sommes des instruments dont fort peu de gens savent jouer. Entre la flûte de Pan des premiers hommes et le Philharmonique de Berlin dirigé par Wilhelm Furtwángler, il n'y a certes pas grande différence pour ce qui est du besoin de l'être humain de « faire de la musique ». Mais quel travail accompli... C'est pour cette incessante amplification des dons que l'on doit remercier ces artistes, accoucheurs de talents, que sont les grands chefs d'orchestre et les grands metteurs en scène.