KIM NOVAK avait comme un petit air de Marilyn Monroe quand elle apparaissait à l'écran. Impression d'autant plus troublante qu'elle portait le même prénom ; parenté d'autant moins étrange que Harry Cohn, le patron de la Columbia, ne s'était jamais remis d'avoir perdu la star de « Niagara » au profit de la Fox et n'avait eu de cesse de lui trouver un jour sa réplique. La comparaison s'arrête pourtant là, car, sitôt qu'elle apprit le suicide de celle dont on voulut qu'elle fût le clone, Kim Novak fut atterrée et prit ses dispositions pour ne pas s'attarder dans un milieu qui l'avait dépossédée d'elle-même sans lui apporter d'autre satisfaction que narcissique et pécuniaire. A l'âge où le Christ montait en croix, Kim Novak prenait effectivement congé d'un Hollywood alors en pleine crise d'identité, n'y revenant qu'occasionnellement, dans des rôles négligeables. Entre-temps, et malgré une carrière circonscrite à dix années de présence à l'écran, la capiteuse Moll Flanders aura laissé une indéniable trace dans la mémoire collective. Grâce à Alfred Hitchcock, qui en fera la double incarnation du mystère féminin dans « Sueurs froides », et à Richard Quine, qui s'éprendra d'elle et l'imposera en blonde Ava Gardner, pour reprendre la formule d'un critique, à l'époque de ses débuts dans « Pushover ».
Fille d'un professeur d'histoire d'origine tchèque que la crise économique des années 1930 avait ravalé au rang de cheminot, Marilyn Pauline Novak est née à Chicago le 13 février 1933, dans une famille aimante mais stricte dans ses principes éducatifs, au point que, dans un monde fait pour les droitiers, Joseph Novak ne pouvait tolérer que sa fille fût gauchère et lui tapa sur les doigts tant qu'elle ne prétendit pas renoncer à ses « vilaines habitudes ». Mais il faut bien manger. Aussi alterne-t-elle, au terme de ses études secondaires, les emplois de fille d'ascenseur, de vendeuse et d'assistante dans un cabinet dentaire. De mannequin également, travail qu'elle retrouvera irrégulièrement, et qui devait la mener accidentellement jusqu'à Los Angeles. A l'époque, elle fait une tournée nationale pour les congélateurs Thor. Sous le nom de « Miss Deepfreeze », elle ouvre la porte de l'appareil et entonne le petit couplet « There's no business like Thor business ».
Une silhouette comme la sienne ne pouvait demeurer longtemps confinée à l'électroménager. Un passage dans une agence de mannequins et le dépôt d'une photo accompagnée de ses mensurations feront le reste. Moins de trois mois plus tard, la voilà figurante dans une comédie de la RKO avec Jane Russell, « French line », où un battement de paupières aurait suffi à l'observateur le plus sagace pour la laisser échapper. Mais Harry Cohn, le tyrannique patron de la Columbia, ne compte pas au nombre de ces inattentifs. Furieux de s'être fait souffler Marilyn et excédé par les caprices de sa star maison, Rita Hayworth, il est convaincu d'avoir trouvé en cette sirène une synthèse des deux et l'engage à 100 dollars l'heure. Une somme mirifique pour Miss Congélateur, qui implique aussi une formation, des cours de maintien, une transformation physique et un changement de nom. Du moins aura-t-elle le cran — ou est-ce la candeur de la débutante ? — de refuser le pseudonyme de Kit Marlowe, que Cohn voulait lui imposer. Elle a lutté pour garder son vrai nom ,pour conserver le lien avec la communauté tchèque de la classe ouvrière de Chicago où elle avait grandi .
« Pushover », que son père quittera au quart de la projection, est déjà un hommage à sa froide et élégante beauté.
Kim sera dans des rôles traditionnellement décoratifs , une bimbo Monroe -esque flagrante dans " ! Phffft " (1954 ) , une chanteuse de cabaret dans « ON NE JOUE PAS AVEC LE CRIME " (1955 ) . Mais elle est devenue une star dans " PICNIC " ( 1955 ) lauréat de deux Oscars, qui lui conciliera la critique, avant que « L'homme au bras d'or » ne vienne confirmer l'excellence de l'enseignement dramatique dispensé par le studio, et que le mélodrame « The Eddy Duchin story » n'étende sa popularité naissante au public du samedi soir.
Déjà, elle approche du zénith de sa carrière avec le double rôle de Madeleine et de Judy dans le thriller « Sueurs froides », qui lui échoit au lendemain de la défection de Vera Miles, alors enceinte. Il a fallu le génie d'Alfred Hitchcock pour absorber la double nature de Mme Novak dans son double rôle de loin sa plus grande performance . Malgré la sévérité de Hitchcock, qu'elle impatientera par ses questions, elle gardera du tournage le meilleur souvenir. Il est vrai qu'après des rapports tendus avec William Holden et Tyrone Power, elle découvre en James Stewart le plus courtois des partenaires. Quant à Frank Sinatra, que l'on prétendait son amant, elle l'avait trouvé adorable sur « L'homme au bras d'or », mais déjà imbuvable sur « La blonde ou la rousse ».
« L'homme au bras d'or , film du producteur-réalisateur indépendant Otto Preminger : elle joue une " hôtesse de bar " contre la toxicomanie désespérée de Frank Sinatra .
Harry Cohn confiera Kim au réalisateur George Sidney pour trois projets . " TU SERAS UN HOMME, MON FILS ", le premier et probablement le meilleur d'entre eux , un mélodrame musical mélancolique sur la vie d'un chef d'orchestre des années 1920 ( Tyrone Power ) qui perd sa femme (Mme Novak ) lors de l'accouchement .Il y aura UN SEUL AMOUR en noir et blanc biopic de Jeanne Eagels une actrice des années 1920. Et le dernier ?une version édulcorée de la scandaleuse comédie musicale de Broadway " Pal Joey avec Frank Sinatra : elle est une jeune danseuse en herbe face à la vieillissante Rita Hayworth .
Toute gratifiante qu'est sa collaboration avec Alfred Hitchcock, Kim Novak ne tire aucun parti de la reconnaissance que lui vaudra cette intimité professionnelle. Pis, elle retourne à son indolence naturelle, qui, aggravée par la mort de Harry Cohn, en 1958 ( Harry Cohn mort 1958 - il a eu sa première crise cardiaque, quand il a appris que Mme Novak sortait avec Sammy Davis Jr. ), l'amène à décliner des offres qui se révéleront pourtant capitales pour leurs interprètes — ainsi « The Hustler » et « Breakfast at Tiffany's », qui vaudront respectivement à Piper Laurie et à Audrey Hepburn une nomination à l'Oscar — et à en accepter d'autres qualifiées de chaotic medio-crity par la presse cinématographique.
Kim sera dans des rôles traditionnellement décoratifs , une bimbo Monroe -esque flagrante dans " ! Phffft " (1954 ) , une chanteuse de cabaret dans « ON NE JOUE PAS AVEC LE CRIME " (1955 ) . Mais elle est devenue une star dans " PICNIC " ( 1955 ) , dans une partie plus accessible comme une beauté petite ville irrésistiblement attiré par un vagabond musclé ( William Holden ) .
Il n'est jusqu'à Henry Hathaway, qui prétendra avoir abandonné la direction de « L'ange pervers » à Ken Hughes pour protester contre la contrainte qui lui avait été faite de travailler avec elle. Dans cette ambiance déprimante, son mariage, en 1965, avec Richard Johnson, rencontré sur le tournage des « Aventures amoureuses de Moll Flanders », un Tom\ Jones en jupons, lui apportera une fugitive éclaircie. Fugitive, car Kim n'est pas prête à sacrifier sa liberté à un mari, dont elle divorcera moins de douze mois plus tard. A l'époque, d'ailleurs, sa décision de quitter Hollywood est prise depuis longtemps.
Sur la retraite Kim est devenue une Brigitte Bardot américaine, qui élève lamas et chevaux et s'est découvert un talent pour les arts plastiques et Kim Novak ne reviendra plus qu'occasionnellement à Hollywood. Dont une fois pour retrouver son amie Elizabeth Taylor, dans « Le miroir se brisa ». Une autre pour un double rôle, à 35.000 dollars l'épisode, dans la série « Falcon Crest », où l'un de ses personnages porte le nom de.. Kit Marlowe. Entre-temps, l'ex-star s'est installée dans l'Oregon, où elle a épousé en 1976 un vétérinaire, Robert Malloy. Plus d'un quart de siècle déjà qu'ils vivent heureux et anonymes au cœur de la nature. Et, s'ils n'ont pas eu d'enfants, ils sont aujourd'hui à la tête d'une populeuse colonie de petits lamas.
En 2014 on la reverra lors de la remise des Oscars à Hollywood .
LLOYD BACON …THE FRENCH LINE …1953
RICHARD QUINE… DU PLOMB POUR L'INSPECTEUR… PUSHOVER …1954 :
MARK ROBSON… PHFFFT! …1954
TED TETZLAFF… LE FILS DE SINBAD… SON OF SINBAD… 1955
PHIL KARLSON...ON NE JOUE PAS AVEC LE CRIME...FIVE AGAINST THE HOUSE …1955
JOSHUA LOGAN …PICNIC…1955
OTTO PREMINGER … L'HOMME AU BRAS D'OR …THE MAN WITH THE GOLDEN ARM …1955
GEORGE SIDNEY … TU SERAS UN HOMME, MON FILS … THE EDDY DUCHIN STORY… 1956
GEORGE SIDNEY … UN SEUL AMOUR… JEANNE EASELS …1957
GEORGE SIDNEY … LA BLONDE OU LA ROUSSE… PAL JOEY…1957
RICHARD QUINE… BELL, BOOK AND CANDIE… L'ADORABLE VOISINE …1958
… SUEURS FROIDES…,VERTIGO …1958
DELBERT MANN … AU MILIEU DE LA NUIT… MIDDLE OF THE NIGHT …1959
RICHARD QUINE … LIAISONS SECRETES… STRANGERS WHEN WE MEET… 1960
GEORGE SIDNEY ...PEPE ….1960
RICHARD QUINE … L'INQUIETANTE DAME EN NOIR… THE NOTORIOUS LANDLADY… 1962
MICHAEL GORDON … GARÇONNIERE POUR QUATRE …BOYS' NIGHT OUT …1962
KEN HUGHES ET HENRY HATHAWAY… L'ANGE PERVERS… OF HUMAN BONDAGE …1964
BILLY WILDER … EMBRASSE-MOI, IDIOT… KISS ME, STUPID …1964
TERENCE YOUNG… THE AMOROUS ADVENTURES OF MOLL FLANDERS … LES AVENTURES AMOUREUSES DE MOLL FLANDERS …1965
ROBERT ALDRICH … LE DEMON DES FEMMES … THE LEGEND OF LYLAH CLARE… 1968
HY AVERBACK… LE PLUS GRAND DES HOLD-UP… THE GREAT BANK ROBBERY …1969
FREDDIE FRANCIS … TALES THAT WITNESS MADNESS …1973
J. LEE THOMPSON… THE WHITE BUFFALO … LE BISON BLANC… 1977
DAVID HEMMINGS … JUST A GIGOLO …SCHÖNER GIGOLO, ARMER GIGOLO …1977
GUY HAMILTON… LE MIROIR SE BRISA… THE MIRROR CRACK'D ….1980
TONY PALMER… THE CHILDREN…1990
MIKE FIGGIS … LIEBESTRAUM… 1991
. A LA TV
THIRD GIRL FROM THE LEFT (1973, DE PETER MEDAK),
SATAN'S TRIANGLE (LE TRIANGLE DU DIABLE, 1975, DE SUTTON ROLEY),
MALIBU (1983, DE E.W. SWACKHAMER),
ALFRED HITCHCOCK PRESENTS ; MAN FROM THE SOUTH (1985),
FALCON CREST (1986)