JANE GREER
Du temps de sa splendeur cinématographique — qui fut brève —, Jane Greer représentait la quintessence de la vamp : froide, élégante, ravageuse, manipulatrice et dotée d'un sens de l'humour et de la répartie qui n'avait d'équivalents que la sensualité glacée de la « Laura » de Gene Tierney et la sophistication coquine de la défunte Carole Lombard. Surnommée « la reine du film noir », elle devait cette sulfureuse réputation à deux thrillers — « Out of the past » et « The big steal » — aujourd'hui encore considérés comme des films-cultes dans un genre qui fit florès à la fin des années 1940.
Gratifiée dès l'adolescence d'une belle voix de soprano tolorature, qu'elle avait rauque et sensuelle comme celle de Lauren Bacall quand elle se contentait de parler, Jane Gréer fut une créature de Howard Hughes, ce Barbe-Bleue qui avait fait de Hollywood son harem, et qui se désintéressa d'elle une fois mariée et mère de famille. Il est vrai qu'elle avait davantage la fibre maternelle qu'une ambition professionnelle, et elle ne montra aucun regret à laisser la place à Elizabeth Taylor et à Ava Gardner, deux de ses rivales, à la carrière desquelles elle aurait pourtant pu aisément prétendre.
Jane est née Bettejane Gréer à Washington, le 9 septembre 1924, et est décédée le 24/08/2001.
Jane Gréer était la fille d'un représentant de commerce et d'une mère frustrée de n'avoir pu réaliser son rêve d'être comédienne, qui reporta sur ses deux enfants, Jane et son frère jumeau, Donne, ses ambitions déçues. De concours de beauté pour bébés en élections de Miss locales, l'adolescente supporte sans déplaisir l'attention dont elle fait l'objet, jusqu'à ce que la vie, à l'âge de 15 ans, lui impose précocement son premier défi. Victime d'une hémiplégie faciale connue sous le nom de paralysie de Bell, elle se bat pendant un an pour retrouver l'entiè re mobilité de son visage. D'où cette richesse expressive, qu'elle développera plus qu'une autre, et qui l'aidera ultérieurement dans son métier d'actrice à véhiculer toute la gamme des émotions en ne comptant que sur son capital physique. D'où également le zèle particulier avec lequel elle se jettera dans l'apprentissage du chant, encouragée par un magnifique timbre de voix naturel.
Jane fait ses débuts sur scène, à 17 ans, avec l'orchestre de Ralph Hawkins, puis avec celui d'Enric Ma-driguera, alors lié par un contrat saisonnier au Club Del Rio, dans la capitale fédérale. A l'époque, les Etats-Unis viennent d'entrer en guerre. Et, lorsque Mme Gréer apprend que le Women's Army Auxiliary Corps (WAC), récemment mis sur pied, recherche des mannequins pour présenter ses uniformes, elle pousse sa fille à postuler. Non seulement, Jane figurera parmi les trois candidates sélectionnées, mais cette visibilité inattendue va la porter à l'attention des nababs de Hollywood, et de Howard Hughes en particulier, qui la découvre dans l'édition du Life Magazine du 8 juin 1942. Le chanteur Rudy Vallée ne lui trouve pas moins de charme et va s'offrir à lui servir de parrain dans sa conquête de la Mecque du cinéma. Mais c'est au producteur multimillionnaire qu'il reviendra finalement de se l'attacher contractuellement, tandis que Rudy Vallée, de 23 ans son aîné, aura l'éphémère honneur (1943-44) de lui passer la bague au doigt. Mais Hughes se désintéresse aussi soudainement de sa créature, qu'il s'était entiché d'elle, au point que, 18 mois après son engagement, en mai 1944, Jane, qui n'a toujours pas tourné un seul film, rachète son contrat pour la somme de 7.572 dollars et entre à la RKO. Ironie du sort, Howard Hughes devait acquérir une part majoritaire dans ce même studio, quatre ans plus tard.
Après des débuts modestes, — elle avouera plus tard qu'elle s'envoyait un courrier d'admirateurs, qu'elle venait ostensiblement collecter auprès du concierge du studio —, Jane Gréer fascine pour la première fois public et critiques dans « The falcon's alibi ». Versée désormais dans des rôles de baddies au look inspiré de Hedy Lamarr, elle ne connaîtra qu'un bref répit dans un rôle sympathique (« They won't believe me »), avant de se glisser pour l'éternité dans la peau de la vamp ravageuse et manipulatrice, mais combien candide et sensuelle, attachée à sa légende, avec « Out of sight ». Dans une scène du film, Virginia Huston s'étonne auprès de Robert Mitchum de la noirceur de son personnage : « Il n'est pas possible qu'on puisse être aussi odieux.
« The| big steal », sera le deuxième fait d'armes de Jane Gréer, avec un Robert Mitchum . Bien servie pari un rôle en or, l'actrice y fait une nouvelle fois preuve d'esprit et d'autorite. Cependant, mariée au producteur Edward Lasker (1947-63), ei pour la deuxième fois enceinte, elle hésite déjà entre la poursuite d'une carrière alors au zénith et son aban don au profit d'une vie familiale, qui! devait s'agrandir en 1954 d'une nouvelle unité. A son corps défendant,Howard Hughes tranchera pour elle. Depuis que l'excentrique producteur était devenu actionnaire majoritaire à la RKO, le studio connaissait en effet de graves difficultés financières.! Or, pour éponger les déficits, il s'était mis en tête de louer ses stars à d'autres studios, pratique qui plaisait modérément aux intéressés, même si Jane eut encore l'occasion de tenir un rôle magnifique et conforme à sa légende, dans un film des Artistes Associés : « La course au soleil », avecIRichard Widmark. Mais, à l'époque, elle était déjà sur le départ.
A l'exception du personnage de Mrs. Wyler dans le remake de Taylor Hackford, qu'elle avait accepté davantage par jeu que par espoir d'un hy othétique retour à l'écran, l'ex-incarnation de la noirceur n'allait plus que rarement faire parler d'elle, sinon par l'intermédiaire de ses fils : Alex, co-scénariste de « Firefox » ; et Lawrence, co-scénariste de « WarGames ». Ces dernières années, Jane Gréer, qui devait mourir des suites d'un cancer le 24 août dernier, s'était essentiellement dévouée — activement et financièrement — à la cause des enfants attardés.
ANTHONY MANN...TWO O'CLOCK COURAGE...1944
JOHN H AUER...PAN-AMERICANA...1944
FELIX E FEIST...GEORGE WHITE'S SCANDALS...1945
WILLIAM BERKE...DICK TRACY...1945
RAY MCCAREY...THE FALCON'S ALIBI...1946
ANTHONY MANN...THE BAMBOO BLONDE...1946
WILLIAM BERKE...SUNSET PASS...1946
RICHARD WALLACE...SINBAB LE MARIN...SIMBAB THE SAILOR...1947
IRVING PITCHEL...ILS NE VOUDRONT PAS ME CROIRE...THEY WON'T BELIEVE ME...1947
JACQUES TOURNEUR...PENDEZ MOI HAUT ET COURT...OUT OF THE PAST...1947
SIDNEY LANFIELD...LA CITE DE LA PEUR...STATION WEST...1948
DON SIEGEL...CA COMMENCE A VERA VRUZ...THE BIG STEAL...1949
JOHN CROMWELL...THE COMPANY SHE KEEPS...1950
HENRY HATHAWAY...LA MARINE EST DANS LE LAC...YOU'RE IN THE NAVY NOW...1951
EDMUND GOULDING...DOWN AMONG THE SHELTERING PALMS...1951
DON WEISS...YOU FOR ME...1952
RICHARD THORPE...LE PRISONNIER DE ZENDA...THE PRISONER OF ZENDA...1952
JOSEPH H LEWIS...QUATRE JOURS D'ANGOISSE...DESPERATE SEARCH...1952
ROBERT Z LEONARD...THE CLOWN...1952
ROY BOULTING...LA COURSE AU SOLEIL...RUN FOR THE SUN...1956
JOSEPH PEVNEY...L'HOMME AUX MILLE VISAGES...MAN OF A THOUSAND FACES...1957
EDWARD DMYTRYK...WHERE LOVE HAS GONE...1964
DON WEISS...BILLIE...1965
JOHN FLYNN...ECHEC A L'ORGANISATION...THE OUTFIT...1973
TAYLOR HACKFORD...CONTRE TOUTE ATTENTE...AGAINST ALL ODDS...1983
ALLAN BURNS...JUST BETWEEN FRIENDS...1986
JONATHAN KAPLAN...IMMEDIATE FAMILY...1989
KARL ARMSTRONG...PERFECT MATE...1996