Avant même que « Lawrence d'Arabie » ne connaisse sa première diffusion en salle, la rumeur rapportait déjà la qualité de son interprétation. Un jeune acteur de 29 ans, au jeu habité, nerveux, flirtant avec la schizophrénie damait le pion aux grandes stars dont on l'avait entouré, pour remédier au handicap de son anonymat. Une quarantaine d'années plus tard, PETER O'TOOLE n'était toujours pas parvenu à faire oublier la figure charismatique de l'aventurier du désert, qui devait servir de modèle à ses compositions ultérieures. Autant de personnages, comme le lieutenant de marine idéaliste et illuminé de « Lord Jim » ou l'officier névrosé de « La nuit des généraux », dont la volonté est atomisée par leurs obsessions et leurs chimères, et que guette la folie, quand ils n'y versent pas. comme l'aristocrate de « Dieu et mon droit », qui se prend pour le Christ. Au-delà des cas particuliers du colonel Lawrence et du général Tanz, une parenté de caractère nous a toujours semblé exister entre l'homme O'Toole et son double de cinéma. Mais des deux, lequel aura été l'inspirateur de l'autre reste à déterminer, même s'il n'est pas fortuit que des cinéastes aussi dissemblables que Richard Brooks et Anatole Litvak aient songé à lui pour des rôles d'un profil identique : des individus au bord de l'aliénation mentale.
Issu de la prestigieuse école du théâtre britannique, qui donna au cinéma d'outre-Manche ses plus nobles représentants. Peter O'Toole se défendait, comme certains le suggéraient, d'être un disciple anglais de la Méthode, cette technique artistique popularisée par l'Actors' Studio et Marlon Brando. qui recommandait à ses adeptes de recourir à leur propre vécu pour donner chair à leurs personnages. La seule démarche dont il se prévalait était une immersion dans le contexte où baignait son héros, allant jusqu'à vivre avec des nomades du désert pour mieux se glisser dans la peau de Lawrence et à s'isoler sur une colline galloise pour étudier la loi juive et pénétrer la mentalité de Sylock. La prouesse de Peter O'Toole aura été de survivre à chacune de ses morts cinématographiques annoncées, tantôt phagocyté par l'un de ses personnages, tantôt dévoré par cette intimité avec l'alcool, qui l'aura prématurément vieilli et laissé comptable d'une carrière inaboutie et constellée d'une myriade de titres indignes de la promesse que « Lawrence d'Arabie » avait laissé entrevoir.
est né à Connemara (Irlande), le 2 août 1932 et est décédé le 14/12/2013. Son père était un bookmaker, qui avait très tôt emmené sa famille à Leeds, dans le Yorkshire, où les champs de course et la clientèle des parieurs rendaient le métier plus attractif. Les parents du futur comédien ne s'étaient-ils pas rencontrés dans les paddocks du célèbre derby d'Epsom ? A 14 ans, il quitte l'école et le strict enseignement des jésuites pour entrer dans la vie professionnelle par le biais du journalisme. Garçon de course au Yorkshire Evening News, il gravit rapidement les échelons jusqu'à devenir pigiste. Mais il se lasse et entre, pour deux ans, dans la Navy, où il est affecté aux transmissions. Rendu à la vie civile, il abandonne le journalisme et s'oriente vers le théâtre. Dans son esprit, une démarche logique, dans la mesure où c'est moins le souci de s'exhiber sur une scène que l'amour des mots qui le motive. Doté d'une bourse, il entre à la prestigieuse Royal Academv of Drama-tic Art de Londres, où il aura pour condisciples, et bientôt compagnons de beuverie, Richard Harris, Richard Burton, Albert Finney et Alan Bâtes. En 1954, il devient comédien à titre professionnel avec cinq années devant lui pour affiner son métier, au contact du Bristol Old Vie, du London's Royal Court, et de la Mecque du théâtre shakespearien, Stratford-upon-Avon. « Oh, my papa » est sa première pièce dans la capitale. Suivie de « The holidav », où sa partenaire est Sian Phillips. Sur scène ils sont frère et sœur. Dans la vie ils seront bientôt mari et femme (1959-1977). Entretemps, le futur défenseur de la cause arabe commence à faire parler de lui. En 1959, sa performance, aux côtés de Robert Shaw, dans « The long, the short and the tall » lui vaut d'être désigné par la critique comme le meilleur acteur de l'année. Dans la foulée, Peter Finch, avec lequel il s'est acoquiné, le recommande aux studios Disney pour « Kidnapped ». Une chance : les producteurs ont besoin d'un acteur qui puisse jouer de la cornemuse. L'année suivante, sa performance discrète mais épinglée avec chaleur par la presse, dans « Le jour où l'on dévalisa la banque d'Angleterre », lui vaut de capter l' attention de David Lean et de Sam Spiegel, alors à la recherche d'un comédien susceptible d'incarner T.E. Lawrence, après la défection de Marlon Brando et d'Albert Finney.
Tourné en Jordanie, « Lawrence d'Arabie » aura tout d'un parcours initiatique pour son interprète, dont la première épreuve sera la conduite à dos de chameau. De multiples contusions, brûlures et crises de déshydratation plus tard, l'auteur des « Sept piliers de la sagesse » fera de son double cinématographique une star, avec les privilèges et les dérapages attachés à cette soudaine mise en lumière. Porté par la musique de Maurice Jarre, l'ampleur de l'épopée et la photogénie du désert du Wadi Rum, « Lawrence d'Arabie » connaîtra un triomphe et vaudra à Peter O'Toole la première de ses sept nominations à l'Oscar. Pour l'anecdote, jamais le comédien ne réussira à transformer l'essai en victoire. Entre-temps, il a retrouvé la scène. En 1962, Laurence Olivier lui demande d'inaugurer la saison de la toute jeune compagnie du Théâtre National en incarnant Hamlet, à l'Old Vie. Un engagement qui en appellera d'autres, dont une collaboration avec l'Abbey Théâtre de Dublin.
En revanche, il ne semble pas pressé de capitaliser sur l'aura que lui a conférée l'apôtre de l'émancipation arabe. Il est vrai que, pour irrégulières que soient ses apparitions à l'écran, elles concentrent invariablement, sur la tête de leur interprète, les éloges de la critique. Telle sa double version de la figure de Henry II, dans « Becket » et « Le Lion en hiver », ou l'officier d'une cruauté sadique de « La nuit des généraux ». L'occasion de vérifier que cette fébrilité inquiète, cette émotivité aux confins de la raison, et ce visage dévoré de tics, que l'on croyait associés à Lawrence, relèvent davantage de l'acteur que de ses personnages. II n'est jusqu'aux comédies, qui ne portent les stigmates de la troublante personnalité de leur interprète. Le malaise ressenti par le public est-il à l'origine de sa désaffection ou les choix du comédien sont-ils par trop singuliers pour séduire le plus grand nombre? Toujours est-il qu'à la charnière des années 1970, Peter O'Toole accumule les insuccès, tandis que l'alcool étend ses ravages, grevant sa concentration et désespérant ses commanditaires. Le tournage de « L'homme de la Mancha » atteint un degré de crispation extrême, lorsque ses pertes de mémoire et ses indisponibilités manquent torpiller la production. A l'aube de la quarantaine, une reprise en main manifestement s'impose.
Sagement, s'offre une année sabbatique, avant de revenir, au sommet de sa forme artistique, pour une saison, au Bristol Old Vie. Au cinéma, il renoue talentueusement avec les personnages malsains et pervers, à l'image du metteur en scène tyrannique du « Diable en boîte » ou du Tibère gâteux de « Caligula ». Mais, à trop malmener la nature, il arrive qu'elle se rappelle à son tourmenteur. En 1979, on lui découvre un cancer du pancréas, aggravé d'une leucémie. Médicalement, il est promis à une mort prochaine. Mais il refuse le verdict. Il a raison. Un quart de siècle plus tard, il est toujours debout. Le front de la maladie n'est pourtant pas le seul sur lequel il doit se battre. En 1977, Sian Phillips, las de son intempérance, demande le divorce et recommence, à 44 ans, sa vie avec un jeune homme de dix-huit ans son cadet. La leçon semble porter. Dans un même élan, le mari éconduit retrouve la sobriété et réfrène ses pulsions de noceur. Mais la maladie a-t-elle affecté son jeu ou la lassitude le rend-elle moins combatif? Les chroniqueurs de la vie théâtrale, en tout cas, jugent moins complaisamment ses insuffisances. Ainsi, en 1980, il abandonne sa fonction de directeur adjoint de l'Old Vie de Londres. Officiellement, pour divergences de vues avec le directeur. Officieusement, parce que la critique l'avait éreinté, six mois plus tôt, dans « Macbeth ». On lui reproche même de surjouer, quand on ne le trouve pas mal distribué dans un rôle. Comme il se l'est vu reprocher en 1992, dans « Our song », sur la scène de l'Apollo de Londres.
Peter O'Toole était loin d'avoir épuisé les réserves de son talent. Géant efflanqué aux joues couperosées et au teint pâle, il ressemble moins, au héros de David Lean qu'au Pr Higgins de « Pygmalion », avec cette élégance de vieux dandy, le fume-cigarette visé entre les dents. Au cinéma, en revanche, il pratique un certain minimalisme de jeu. En précepteur du dernier empereur de Chine ou en secrétaire du roi Ralph, il se souvient tardivement que John Gielgud fut son premier modèle et l'involontaire inspirateur de son destin artistique.
Peter O'Toole continuera de tourner au hasard d'un film. Notamment avec Brad Pitt et Orlando Bloom, dans « Troie ». Maintes fois donné pour mort, il réapparaît alors qu'on ne l'attend plus. Un instinct de survie qu'il doit probablement au sang celtique qui coule dans ses veines.Jusqu'au 14/12/2013 où la mort vint le prendre.
ROBERT STEVENSON ...KIDNAPPED ...1959
NICHOLAS RAY ...LES DENTS DU DIABLE ...THE SAVAGE INNOCENTS ...1960
JOHN GUILLERMIN ...LE JOUR OU L'ON DEVALISA LA BANQUE D'ANGLETERRE ...THE DAY THEY ROBBED THE BANK OF ENGLAND ...1960
DAVID LEAN ...LAWRENCE D'ARABIE ...LAWRENCE OF ARABIA ...1962
VINCENTE MINNELLI ...LE CHEVALIER DES SABLES ...THE SANPIPER ...1963
PETER GLENVILLE ...BECKET ...1964
RICHARD BROOKS ...LORD JIM ...1965
JOHN HUSTON ...LA BIBLE ...LA BIBBIA ...1965
CLIVE DONNER ...QUOI DE NEUF PUSYCAT ...WHAT'S NEW PUSYCAT ...1965
WILLIAM WYLER ...COMMENT VOLER UN MILLION DE DOLLARS ...HOW TO STEAL A MILLION ...1965
ANATOLE LITVAK ...LA NUIT DES GENERAUX ...THE NIGHT OF THE GENERALS ...1966
JOHN HUSTON ...CASINO ROYALE ...1967
GORDON FLEMYNG ...LA GRANDE CATHERINE ...THE GREAT CATHERINE ...1968
ANTHONY HARVEY ...LE LION EN HIVER ...THE LION IN WINTER ...1968
HERBERT ROSS ...AU REVOIR MR CHIPS ...GOODBYE MR CHIPS ...1969
J LEE THOMPSON ...BROTHERLY DANCE ...1970
PETER YATES ...LA GUERRE DE MURPHY ...MURPHY'WAR ...1971
ANDREW SINCLAIR ...UNDER MILK WOOD ...1971
PETER MEDAK ...DIEU ET MON DROIT ...THE RULING CLASS ...1971
ARTHUR MILLER ...L'HOMME DE LA MANCHE ...MAN OF LA MANCHA ...1972
OTTO PREMINGER ...ROSEBUD ...1974
JACK GOLD ...MOI VENDREDI ...MAN Friday ...1975
ARTURO RIPSTEIN ...FOXTROT ....1975
TINTO BRASS ...CALIGULA ...1976
MARTYN BURKE ...LE JEU DE LA PUISSANCE ...POWER PLAY ...1977
RICHARD RUSH ...LE DIABLE EN BOITE ...THE SHUNT MAN ...1979
DOUGLAS HICKOX ...L'ULTIME ATTAQUE ...ZULU DOWN ...1979
BORIS SAGAL ...LAS ANTAGONISTES ...MASADA ...1980
RICHARD BENJAMIN ...MON ANNEE FAVORITE ...MY FAVORITE YEAR ...1982
JEANNOT SZWARC ...SUPERGIRL ...1984
IVAN PASSER ...CREATOR ...1984
HAROLD RAMIS ...CLUB PARADISE ....1984
BERNARDO BERTOLUCCI ...LE DERNIER EMPEREUR ...THE LAST EMPEROR ...1987
NEIL JORDAN ...HIGHT SPIRITS ....1988
LINA WERTMULLER ...PAR UNE NUIT DE CLAIR DE LUNE ...IN UNA NOTTE CHIARO DI LUNA ...1989
OTOKAR VOTOCEK ...LES AILES DE LA RENOMMEE ...WINGS OF FAME ...1989
IAN PRINGLE ...ISABELLE EBERHARDT ...ISABELLE EBERHARDT ...1990
DAVID S WARD ...RALPH SUPER KING ...KING RALPH ...1990
ALEJANDRO JODOROWSKY ...LE VOLEUR D'ARC EN CIEL ...THE RAINBOW THIEF ...1991
KARL FRANCIS ...REBECCA'S DAUGHTERS ...REBECCA'S DAUGHTERS ...1991
DROR SOREF ...THE SEVENTH COIN ...THE SEVENTH COIN ...1993
CHARLES STURRIDGE ...LE MYSTERE DES FEES ...FAIRY TALE:A TRUE STORY ...1996
JOE CHAPPELLE ...PHANTOMS ...PHANTOMS ...1996
PAUL COX ...LE PERE DAMIEN ...DAMIAAN ...1998
KENNETH BERRIS ...PANSTVI ...THE MANOR ...1998
SIDNEY J FURIE ...ROCK MY WORLD ...ROCK MY WORLD ...2002
PATRICK HARKINS ...THE FINAL CURTAIN ...THE FINAL CURTAIN ...2002
STEPHEN FRY ...BRIGHT YOUNG THINGS ...BRIGHT YOUNG THINGS ...2003
WOLFGANG PETERSEN ...TROIE ...TROY ...2003
MICHAEL SAJBEL ...ONE NIGHT WITH THE KING ...ONE NIGHT WITH THE KING ...2004
CHARLES STURRIDGE ...LASSIE ...LASSIE ...2005
ROGER MICHELL...VENUS...2006
MICHAEL O SAJBEL...ONE NIGHT WITH THE KING...2006
MATTHEWAUGHN...STARDUST LE MYSTERE DE L'ETOILE...2007
TOA FRASER....DEAN SPANLEY...2008
MICHAEL CAMPUS...CHRISTMAS COTTAGE...2008
MICHAEL MANDELL...EAGER TO DIE...2010
DEAN WRIGHT...FOR GREATER GLORY: THE TRUE STORY OF CRISTIADA...2012
SALAMAT MUKHAMMED-ALI...THE WHOLE WORLD AT OUR FEET...2013
MICHAEL REDWOOD...KATHERINE OF ALEXANDRIA...2013
Casanova (TV Mini-Series) ...2005
Les Tudors (TV Series) ...2008