"J'étais moi aussi heureuse et une certaine complicité s'installa entre François et moi. Il me proposa, un lundi soir où je ne jouais pas, de m'emmener voir son dernier film "La mariée était en noir" ; j'en ai été émue et flattée. Il me parla de son amitié pour Jeanne Moreau, d'Hitchcock, des films qu'il
il aimait, de ses lectures, durant le souper qui suivit ; et j'écoutais ce qu'il disait, avec une soif d'apprendre qui me tenait moi-même. Sur le plateau, il se montrait toujours attentif et disponible, et je sentais que je cherchais une approbation dans son regard. Tout cela était furtif, presque perceptible. Je ne me posais pas de questions, tout était pie. Un jour, il eut pour moi un geste presque tendre, dans la scène où Christine et Antoine dorment ensemble dans le lit des parents ; il s'est approché et, délicatement, il a replacé sur l'oreiller une mèche de mes cheveux qui masquait mon visage. J'ai senti confusément, je crois à moment-là, que je l'aimais.
Le mercredi 26 février, je reçus un pneumatique disant : Machère Claude, je vous attends mardi soir, le prochain, mais à 21 heures chez moi 53 rue de Passy, porte dans le proloncement du magasin Inno-Passy. Un premier ascenseur vous mène au 1er étage et là un autre vous amène au 10e étage. Mon nom est à côté de la porte. Nous dînerons ensemble, vite si vous voulez ressortir pour voir un film, tranquillement sinon. Affectueusement votre, François. »
Je me suis rendue rue de Passy, dans un immeuble moderne; l'appartement, où manifestement il vivait seul, était entouré de balcons et de terrasses, et j'ai été surprise de consstater que le couvert n'était pas encore mis. François a ouvert une bouteille de Champagne et m'a raconté que c'était le seul vin qu'il buvait. Jeanne Moreau l'y avait initié en lui gisant que c'était « le lait des grandes personnes » ...
extrait du livre Baisers Envolés