Le tandem Bourvil-de Funès est reformé pour « La grande vadrouille »
Au début du tournage cependant il ne semble plus aussi efficace. Dans Le Corniaud, en dehors des scènes du début et de la fin, les deux acteurs avaient joué séparément. Ici, au contraire, ils sont toujours ensemble.
« Jaillissement, spontanéité, certains acteurs se montrent excellents dès les premières prises. C'est le cas de Bourvil, explique Gérard Oury. De Funès, lui, règle son jeu à partir du moment où la caméra tourne. Jusque-là il prend ses marques, tripatouille ses accessoires, répète mezza voce, de sorte qu'à première vue la scène paraît fade. Le mot " moteur " prononcé, de Funès se déchaîne, libérant son adrénaline, déclenchant son métabolisme, donnant le meilleur de lui-même. »
Cette façon de faire déroute dans un premier temps Bourvil :
« L'un se détériore pendant que l'autre s'améliore. André perd sa fraîcheur au fur et à mesure que Louis remonte ses mécaniques. »
Tout s'arrange cependant très vite. Grâce au professionnalisme des deux acteurs et à leur complicité. Plus de questions, ni de soupçons. La réserve des premiers jours n'est plus de mise. Bourvil et de Funès cohabitent joyeusement. Farceurs, ils vont plus loin que le scénario. Imaginent des gags qu'ils proposent ensuite au réalisateur. «J'achète. » «J'achète pas. » Gérard Oury fait son choix...
Dans cette Grande Vadrouille, de Funès est débarrassé de toutes ses craintes. Un an avant il touchait le tiers du salaire de Bourvil. Cette fois le producteur les a pris à part égale. Le Corniaud a définitivement propulsé de Funès en haut de l'affiche.
Gérard Oury se souvient encore de cette soirée mondaine pendant le tournage. L'équipe vient de terminer une des rares scènes sauvées de l'histoire originale : la rencontre avec les sœurs aux hospices de Beaune. Une réception est donnée en son honneur. Toutes les « huiles » sont là. Bourvil et Gérard Oury discutent très poliment avec un monsieur très grand et très nerveux. A côté de cet homme leur faisant face, de Funès, tout petit, a entrepris de faire les mêmes grimaces. Il imite l'interlocuteur qui ne comprend pas pourquoi l'acteur normand et le réalisateur se contiennent ainsi (bien mal) pour ne pas éclater de rire. De temps en temps, il jette un coup d'œil à son voisin. Mais celui-ci est alors de marbre, affichant un air innocent, « une figure de picadore immobile », comme dit Oury. C'est à n'y rien comprendre... Un truc que de Funès répétera, plus tard, devant la caméra, pour Rabbi Jacob.